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L'Egalisation
1 avril 1997 - par cbraut
De la plus modeste des "mixettes" à la plus luxueuse des consoles, dans les racks des sonorisateurs ou dans ceux des studios, les égaliseurs sont partout. Comment les utiliser ? Pourquoi faire ? Quelles solutions adopter ? Bienvenue au pays des correcteurs de timbre...
Quelle que soit son type (semi-paramétrique, paramétrique, graphique...), quelle que soit sa forme (intégré à la console, en rack), quelle que soit la technologie employée (à lampes, à transistors, numérique), l'égaliseur, ou correcteur, remplit invariablement la même fonction : celle d'atténuer ou d'amplifier certaines des fréquences d'un signal, ou si vous préférez, de modifier son timbre. Les applications qui découlent de cette fonction sont diverses et variées : on trouve d'un côté celles qui visent à solutionner des problèmes, et de l'autre celles qui poursuivent un but artistique, créatif. Voici quelques illustrations de ces deux familles d'applications.
Un sonorisateur, par exemple, se servira d'un égaliseur pour compenser les défauts d'une salle en appliquant une courbe inverse à sa réponse. En studio, où l'acoustique se doit d'être la plus irréprochable possible (en théorie !), c'est une autre affaire. On mettra notamment les correcteurs à contribution pour "modeler" un timbre, en changer la couleur dans un but artistique : renforcer le coup d'archet d'un violon, conférer plus de corps à une caisse claire, plus d'attaque à des toms, de brillance à une voix... Autre utilisation : faire en sorte que les instruments, au mixage, se mélangent harmonieusement et ne se perturbent pas les uns les autres, n'empiètent pas sur leurs territoires spectraux respectifs ! En admettant qu'une basse soit trop envahissante et se mélange avec le pied de grosse caisse, peut-être aura-t-on intérêt à lui ôter des graves et à en renforcer l'impact, afin qu'il "traverse" plus facilement le mix. Dans un registre encore différent, à la prise, on aura parfois besoin de compenser les défauts d'un micro ou de sa position (l'effet de proximité, par exemple, qui induit quasi-systématiquement un excès de basses), d'atténuer une ronflette, du souffle, etc. Au mastering, on égalisera l'ensemble d'un mixage pour l'équilibrer - pallier l'absence de telles ou telles fréquences ou au contraire, en enlever d'autres pour gommer certains excès -, mais aussi pour le rendre conforme à des critères d'écoute ou de diffusion... Ceci pour dire, sur scène, en studio ou en home studio, que l'égaliseur est un élément incontournable. Avant de passer à son exploitation proprement dite, nous vous proposons d'en survoler les principales familles.
Quelques rappels | |
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En guise d'introduction, partant du principe qu'un égaliseur agit sur le timbre, voici quelque rappels quant aux fréquences. Rappelons qu'elles s'expriment en Hertz, unité chargée de traduire un nombre de "périodes" par seconde (de répétitions identiques d'un "cycle", en d'autres termes). Celles que perçoit théoriquement une oreille jeune et en bonne santé - vous devriez commencer à le savoir depuis le temps qu'on vous le ressasse - s'échelonnent de 20 à 20 000 Hz. Notons toutefois qu'avec l'âge, on a tendance à "perdre" les aigus.
Cette bande de fréquences audibles peut-être arbitrairement découpée en quatre : les graves, les bas-médiums, les haut-médiums et les aigus. Ce découpage n'étant pas normalisé et n'ayant rien de scientifique, impossible de vous fournir des chiffres précis. Chacun les assaisonne généralement à sa convenance... Très approximativement, les graves vont de 20 à 150 Hz, les bas-médiums, de 150 à 800 Hz, les hauts-médiums, de 800 Hz à 4 kHz et les aigus, de 4 000 à 20 000 Hz. Lorsque vous entendrez dire que tel mixage manque de haut-médiums ou que les graves de tel instrument sont envahissants, vous aurez ainsi une (très) vague idée des fréquences auxquelles votre interlocuteur se réfère... Sans doute ce découpage en quatre n'est-il pas étranger au fait que les consoles de studio disposent généralement de quatre égaliseurs travaillant respectivement, grosso modo, dans chacune de ces zones...
Shelving | |
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Utilisés pour régler les graves et les aigus, les égaliseurs de type "shelving", encore appelés "baxendall" (du nom de leur concepteur, Peter J. Baxendall) sont les plus élémentaires. C'est ce style de correcteurs que l'on rencontre sur les chaînes hifi, les autoradios, etc. Dans les graves, l'égaliseur "shelving" permet, au moyen d'un potentiomètre généralement rotatif, d'atténuer (en tournant le potentiomètre vers la gauche) ou d'amplifier (en le tournant vers la droite) tout ce qui se situe en deça d'une certaine fréquence. Même principe pour les aigus, l'égaliseur affectant cette fois tout ce qui se situe au-delà d'une certaine fréquence.
Sur les petites consoles de home studio et autres produits d'entrée de gamme, la section d'égalisation - on dit aussi l'étage de correction, pour faire plus "riche", se résume bien souvent à ce réglage sommaire des graves et des aigus. Prenons pour exemple un appareil testé à quelques pages d'ici, le Tascam 414, dernier né de la famille des Portastudio, et qui dispose justement de deux bandes "shelving". A la lecture des spécifications, on apprend que l'égaliseur grave est caractérisé par une fréquence de 100 Hz, et l'égaliseur aigu, par une fréquence de 10 kHz. On apprend aussi que l'atténuation/amplification, que l'on infligera donc au signal en tournant le potentiomètre de gain dans un sens ou dans l'autre, couvre une plage qui va de -10 à +10 dB (des plages s'échelonnant de -12 à +12 dB, parfois même de -15 à +15 dB, sont également courantes). Comprenez par là que l'égaliseur grave du Tascam, potentiomètre au minimum, atténuera de 10 dB une fréquence de 100 Hz, et que l'égaliseur aigu atténuera d'autant une fréquence de 10 kHz. A l'inverse, potentiomètres au maximum, ils amplifieront ces fréquences de 10 dB. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les fréquences inférieures à 100 Hz (pour l'égaliseur grave) ou supérieures à 10 kHz (pour l'égaliseur aigu), seront elles aussi atténuées de 10 dB, ni que toutes celles supérieures (pour l'égaliseur grave) ou inférieures (pour l'égaliseur aigu) ne seront pas affectées. En réalité, la courbe d'un correcteur "shelving", est progressive. Ainsi, dans le cas d'un égaliseur grave comme celui du Tascam 414, peut-être cette courbe commencera-t-elle à atténuer/augmenter les fréquences à partir de 500 Hz, de quelques petits dB, pour agir dans des proportions de plus en plus importantes, ceci jusqu'à 50 Hz, avant de se stabiliser (courbe en plateau caractéristique d'un "baxendall"). En réalité, que cet égaliseur grave soit caractérisé par une fréquence de 100 Hz ne nous renseigne en rien sur sa courbe, si ce n'est qu'elle passe, à cette fréquence, par une atténuation/amplification de 10 dB lorsque le potentiomètre se trouve positionné au minimum/maximum. En d'autres termes, on dit du correcteur qu'il est "centré" sur 100 Hz. Sur un plan pratique, il travaille de part et d'autre de cette valeur...
Pour en finir avec les égaliseurs "shelving", et si leur fréquence est le plus souvent fixée par le constructeur, signalons que certains d'entre eux, plus évolués, permettent de la régler. On dispose alors d'un second potentiomètre, dédié à cet effet.
Semi-paramétrique | |
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Plutôt trivial, l'égaliseur "shelving" grave/aigu ne brille pas par la richesse de son potentiel. C'est pourquoi nombre de consoles, même modestes, y rajoutent une troisième bande, dite "peaking" : celle des médiums. Ici, la courbe en plateau caractéristique du "shelving" fait place à une courbe en forme de cloche. En clair, l'atténuation/augmentation, bien évidemment fonction, là encore, de la position du potentiomètre de gain, atteint son maximum à la fréquence sur laquelle est centré l'égaliseur, pour devenir de moins en moins importante, de part et d'autre de cette fréquence et au fur et à mesure que l'on s'en éloigne. Sauf exception, l'égaliseur "peaking" dispose de deux potentiomètres : l'un pour le gain, donc (généralement dans une plage de +/- 12 dB ou +/- 15 dB), et l'autre pour la fréquence (on emploie parfois le terme de "sweep", ou "sweeping", du fait que l'on puisse "balayer" cette dernière, la faire"glisser"). En l'absence de ce second réglage, le correcteur médium perd de son intérêt. Effectivement, une fréquence fixe, choisie par le constructeur, pourra difficilement répondre à tous les besoins... Pour votre culture, sachez qu'un égaliseur "peaking" dont on peut régler la fréquence se voit qualifié de "semi-paramètrique" . Semi-paramétrique ? Cela sous entendrait-il que se cache encore un paramètre dont nous n'avons point parlé ?
Paramétrique | |
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Un égaliseur de type "peaking", nous l'avons vu, travaille de part et d'autre de la fréquence sur laquelle il est centré. Mais rien ne nous renseigne quant à la largeur de cette zone de travail. La bande de fréquences affectée s'étale-t-elle sur des kilomètres ? Est-elle au contraire très étroite ? Seul un manuel publiant la courbe du correcteur nous donnera la réponse... Et si cette courbe, tout comme le gain et la fréquence, était elle aussi réglable ? C'est exactement ce qu'offre un paramétrique... qui permet justement de la paramétrer ! On écope ainsi d'un troisième potentiomètre, agissant sur la largeur de la courbe. Le réglage en question porte le nom de "Q". Plus ce facteur est élevé, plus la bande traitée est étroite. A l'inverse, plus il est faible et plus cette bande est large. Dans sa plage de valeurs la plus courante, le "Q" s'échelonne de 0,5 (environ une octave) à 3 (environ un tiers d'octave). Certains égaliseurs proposent des fourchettes encore plus grandes, de 0,1 (plusieurs octaves) à 10 (moins d'un demi-ton).
Les filtres | |
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Les férus de synthèse analogiques ne sont pas sans ignorer ce qu'est un filtre passe-haut (high pass), parfois appelé coupe-bas, et son contraire le passe-bas (low pass), parfois appelé coupe-haut. Tous deux sont caractérisés par une fréquence à partir de laquelle ils atténuent le signal (les graves dans le cas du passe-haut, les aigus dans le cas du passe-bas). Cette atténuation est fonction d'une pente qui s'exprime en dB par octave - ce n'est plus une courbe, contrairement aux égaliseurs "shelving". Ainsi, un filtre passe-haut centré sur 120 Hz, et d'une pente de 12 dB/octave, atténuera de 12 dB une fréquence de 60 Hz (une octave plus bas), de 24 dB une fréquence de 30 Hz (deux octaves plus bas), etc. Sur des consoles de mixage évoluées, l'étage d'égalisation, en plus de correcteurs "shelving" et "peaking", comporte un passe-haut, voir également un passe-bas. Certains équipements permettent de choisir la fréquence, d'autres non.
Les graphiques | |
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Les égaliseurs graphiques agissent sur toute l'étendue du spectre, qu'ils divisent en un certain nombre de bandes, généralement 15 ou 31. Chacune de ces bandes est matérialisée par un curseur, permettant de l'atténuer ou de l'amplifier (de +/- 12 ou +/- 15 dB, le plus souvent). Un égaliseur graphique 31 bandes est également dit 1/3 d'octave, et un 15 bandes, 2/3 d'octave. Pour bien comprendre cette terminologie, il faut savoir que la plage 20 - 20 000 Hz, qui correspond donc aux capacités des pavillons auditifs normalement situés de part et d'autre de notre crâne, couvre environ dix octaves. Simple : sachant, pour passer à l'octave supérieure, qu'il convient de multiplier la fréquence par deux, on constate effectivement que la plage 20 - 20 000 Hz comprend grosso-modo dix octaves (20, 40, 80, 160, 320, 640, 1 280, 2 560, 5 120, 10 240, 20 480 Hz). Les 31 bandes de notre égaliseur graphique représentent donc bien des 1/3 d'octave, ou à peu près... Au fait, mais vous l'auriez très certainement deviné, le terme "graphique" découle de la représentation visuelle de la courbe de correction qu'offrent les curseurs...
En pratique, les égaliseurs graphiques servent à traiter des mixages plus que des instruments isolés (quoique parfois...). Outre les innombrables modèles en rack présent sur le marché, il n'est pas rare, sur de petites consoles amplifiées, de trouver des versions simplifiées, cinq ou sept bandes, sur le bus stéréo. Les sonorisateurs professionnels, pour leur part, utilisent généralement des racks deux canaux 31 bandes (des Klark Teknik, en particulier). Comme nous le mentionnions en ce début d'article, il s'agit, après avoir analysé la courbe de réponse d'une salle de spectacle - il existe à cet effet des appareils de mesure très précis -, d'appliquer la courbe inverse à l'aide d'égaliseurs graphiques, afin d'obtenir la réponse la plus "droite possible".
© Christian Braut
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