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DVD - Le DVD Audio

1 janv. 2000 - par Franck ERNOULD
Depuis le temps qu'on l'annonce, le format DVD Audio est enfin finalisé. Ouf ! Sonic Solutions, qui fournit ses outils d'authoring depuis longtemps, est déjà prêt... Son distributeur français, DDD, organisait le 10 juin dernier une matinée de présentation du nouveau format audionumérique. Voici donc les dernières nouvelles du support audio du futur.

Nous avons déjà consacré de nombreuses pages au Digital Versatile Disc, dans sa déclinaison vidéo : la première envisagée et mise sur le marché l'an dernier en France. Pour l'anecdote, c'est d'ailleurs le support grand public qui a décollé le plus rapidement, comparé au VHS, au CD ou au LaserDisc. Aujourd'hui (Le Monde Multimédia, 5/5/99), le taux d'équipement des foyers français en lecteurs DVD est de 1% soit environ 100.000 unités vendues - une misère comparé aux 15 millions de magnétoscopes en usage dans l'Hexagone. Toutefois, au bout d'un an, 700.000 supports DVDF ont été vendus : le double des ventes du CD la première année après son lancement. Certains estiment que ce sont deux millions de supports DVD qui pourraient être vendus en 1999. Pas mal...
Si le DVD, au départ, a été pensé pour héberger un film de 133 minutes par face, une déclinaison informatique, puis audio fut immédiatement envisagée. Les cinq milliards d'octets (voir encadré) attisaient les appétits des éditeurs discographiques. Il faut dire qu'ils commencaient à se sentaient à l'étroit sur les 650 Mo d'un CD ordinaire, compte tenu des progrès des technologies numériques (24/96 en tête) et de l'intérêt éveillé par les CD Plus, Extended... et autres contenus multimédia.
Le quatrième groupe de travail du Forum DVD (en VO : Working Group 4, ou WG 4) s'est donc chargé d'imaginer ce que pourraient être les principales caractéristiques d'un format DVD Audio. Dans la liste, apparaissaient des hautes fréquences d'échantillonnage, des résolutions numériques plus élevées, des données supplémentaires sous forme de texte, d'images fixes ou vidéo, des possibilités d'interactivité, mais capable de fonctionner au travers d'une interface "réduite"identique à celles de lecteurs CD portables actuels, une compatibilité très partielle en lecture avec d'"anciens"lecteurs DVD Video, et, last but not least, des protections anti-copies qui font cruellement défaut au CD actuel, au point d'en permettre le piratage à volonté via les graveurs de CD-R. Du pain sur la planche !
Vive le MLP
    La première rencontre du WG4 remonte à janvier 96. Ceci dit, concilier les souhaits des compagnies discographiques (réunies dans l'ISC, International Steering Committee), des fabricants, des éditeurs... a pris plus de deux ans. Après une "beta-version" en novembre 97, la version 0.9 de la norme définissant le DVD Audio a été publiée en mai 98... Pile au moment où Sony/Philips présentaient leur Super Audio Compact Disc (SACD), basé sur l'emploi de la technologie Direct Stream Digital (DSD). Pour rappel, elle échantillonne en "one bit" à plus de 2,82 MHz et autorise la cohabitation, sur une même couche, d'un mix stéréo "haute définition" et d'un mix multicanaux 5.1, tout en ménageant sur la seconde couche un flux à la norme CD Audio lisible par ce type de "vieux" engin (compatibilité descendante). Face à ce concurrent, il fallait un "plus"au DVD audio : retour à la table des négociations et des bonnes idées. C'est seulement le 9 février 99 que la version 1.0 du DVD Audio, introduisant le concept de "MLP"(Meridian Lossless Packing), a été concrétisée. Ce procédé permet de compacter les données, c'est-à-dire réduire la place occupée sans perte d'informations (d'ou l'adjectif lossless), ceci d'environ 45%, et de les décompacter en temps réel. Avantage : pouvoir caser, sur une seule couche, un mix 5.1 en 24 bits/96 kHz (ou 88,2, si l'on préfère), chose impossible sur le SACD, ou même en PCM linéaire sur un DVD normal, pour des raisons de débit numérique qui dépasserait dans ce cas les 13 Mbits/s (or les lecteurs sont limités à 9,6 ou 9,8 Mbits/s selon les sources).
    Y a quoi dessus ?
      Que trouvera-t-on donc sur un DVD Audio ? Jusqu'à 9 groupes de 99 plages possédant 99 index (voilà de quoi faire !), et du son de haute résolution, bien entendu. Sur un DVD 5 (voir encadré), on pourra faire tenir 65 mn d'audio stéréo en 24 bits/192 kHz, 78 mn en quatre canaux 20 bits/96 kHz, ou encore 7 h et 2 mn en 16 bits 44,1 kHz... En faisant intervenir le MLP, cela donne 74 mn en six canaux 24 bits/96 kHz. On annonce que les lecteurs seront équipés d'une fonction Downmix pour effectuer, si besoin, une réduction stéréo de ces six canaux selon des paramètres par défaut ou spécifiés lors de l'authoring du DVD Audio. Une fonction Prohibit existe, pour les producteurs qui ne souhaiteraient pas rendre leurs oeuvres multicanaux compatibles stéréo.
      Mais il n'y aura pas que du son haute définition ! Le DVD Audio possédera des menus et une certaine forme d'interactivité : des "slides"(images fixes de 2 Mo maxi, se déroulant en temps réel ou non, dans un ordre fixe, aléatoire ou à la libre appréciation de l'auditeur), des textes de chansons (cliquer dans une ligne calera automatiquement le lecteur sur le passage musical correspondant), etc. Autant de fonctions dont le DVD Video, pensé "image animée en continu", est incapable !
      Le DVD Audio autorise aussi la coexistence pacifique de plusieurs formats différents d'un même contenu musical : haute résolution et Dolby Digital, par exemple, pour pouvoir être lu tel quel sur un lecteur de DVD Video. La place reste ouverte pour un éventuel flux numérique au format dts ou DSD... voire pour un contenu DVD-Rom (applications, fichiers binaires...). Dans un autre style, on peut très bien inclure des "hidden tracks", qui ne se révéleront qu'après entrée d'un mot de passe, disponible sur un site Web par exemple.
      On peut même ajouter de la vidéo MPEG 2 : notre DVD Audio devient alors "DVD Audio V". Ainsi, un DVD 9 pourra accueillir sans peine un généreux album audio de 74 mn mixé en 5.1 24 bits/96 kHz (merci, MLP !), agrémenté sur l'autre couche d'une heure de vidéo (le "making of" des séances par exemple), dont la bande son serait, pourquoi pas, en stéréo 20/96 et en Dolby Digital 5.1 (pour être aussi lisible sur un lecteur de DVD Video - voir plus loin), le tout avec des menus, des textes, des biographies, des discographies à l'écran... Pourquoi ne pas proposer un concert avec un super-son, nous direz-vous ? Parce que dans ce cas, on quitte l'aspect "documentaire" pour adopter une approche de film. Quand on est "plongé" dans l'action, un son énorme appellera une très bonne qualité d'image. Autrement dit, une compression MPEG la plus légère possible... et il ne reste encore une fois plus assez de débit pour l'audio 5.1 24/96 !
      C'est là la différence majeure entre DVD Audio et DVD Video : ce dernier format peut certes héberger jusqu'à huit flux audio différents, PCM, Dolby Digital, dts... (tout ce qu'on veut), mais leur octroie qu'une bande passante de 6.144 Mbits/s. Motif de cette limitation : l'image a besoin d'au moins 3,5 Mbits/s pour exister (et encore, à ce niveau de compression, la qualité pâtit déjà...). Par contre, sur un DVD Audio, rien n'interdit de consacrer entièrement à l'audio les 9.6 Mbits/s qu'autorise le lecteur. Autre différence : un DVD Audio n'a pas de code régional. En revanche, comme nous l'avons déjà mentionné, les flux numériques intègrent des protections anti-copie.
      Les lecteurs
        Ceux qui sont déjà équipés d'un lecteur de DVD Video vont râler : celui-ci ne leur permettra pas d'accéder à tous les charmes des DVD Audio haute définition ! Déjà pour une raison purement physique : au niveau de la connectique, ces modèles n'ont jamais été conçus pour "sortir"six canaux en 24/96, que ce soit en numérique ou en analogique d'ailleurs (convertisseurs N/A...), mais un flux Dolby Digital, plafonnant généralement à 384 kbits/s. Leurs convertisseurs et leurs interfaces audio sont donc inadaptés. Tout au plus seront-ils capables de naviguer dans l'interface graphique du DVD Audio, de lire une éventuelle partie vidéo, et de reproduire les flux Dolby Digital... s'il y en a ! A l'inverse, un lecteur audio ne "verra" que le son d'un DVD Video.
        Si les fabricants sortent déjà des prototypes de lecteurs de DVD Audio dédiés, parions que des modèles universels, compatibles DVD Audio /DVD Video et muni de toutes les interfaces idoines, apparaissent prchainement. Le surcoût devrait être négligeable par rapport à un lecteur DVD actuel, proposé, rappelons-le, entre 3 500 et 6 000 F TTC environ. Une déclinaison "portable" est d'ores et déjà envisagée (pour les voitures, notamment, ou les Discman®), privée d'image et pourvue de commandes "rudimentaires", celles de transport, avec quand même quelques lignes de textes (4 x 30 lettres en anglais, 2 x 15 en japonais, plus difficile à coder). On peut supposer que certains fabricants "audiophiles" auront à coeur de proposer à leurs clients de fort onéreux modèles audio seulement (les mots Home Theater provoquent encore chez certains de violentes crises d'allergie). Ces puristes, réfractaire à tout ce qui n'est pas son, pourront toujours se replier sur le SACD, dépourvu pour sa part de vidéo, d'interactivité..., et au maniement proche de celui d'une platine CD... Seul petit hic : les modèles présentés actuellement sont annoncés à environ $5000 ! Il faut également savoir que la technologie "hybride", double couche, est plus onéreuse à fabriquer qu'un simple couche &emdash et qu'elle le restera probablement un bon bout de temps. Autrement dit, pour une même oeuvre musicale, la version DVD Audio sera moins chère qu'un SACD... De quoi faire réfléchir les clients : la compatibilité descendante avec le CD Audio sera tarifée !
        Notes
          Il est gros mon Giga !

          Petite précision glanée dans une doc Sonic Solutions : les capacités des DVD sont données en Giga octets dans l'acception "décimale": autrement dit, 5 milliards d'octets pour un DVD 5, par exemple. Les informaticiens, eux, ont un Giga plus "gros", puisqu'il vaut 2 puissance30, soit 1.073.741.824. Autrement dit, vu d'un ordinateur, un DVD 5, soit 5 milliards d'octets, "vaut" 4.656 Go - soit les 4.7 bien connus ! Rappelons qu'il existe également un DVD9, simple face double couche (proposant en fait 8.5 Go), un DVD10, double face simple couche, et un DVD17, double face double couche.



          Merci à Youki Miyamoto (WG4), Kirk Paulsen (Sonic Solutions Europe) et Jean-Luc Ohl (DDD) pour leur précieux concours.


          © 1999 - Franck ERNOULD
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